OSSIA

Enjeux et problématique, état de l’art

L’enjeu scientifique central du projet OSSIA consistait en l’extension du modèle de scénario linéaire du logiciel i-score vers un modèle non-linéaire.
L’utilisation d’une timeline pour éditer le scénario est une contrainte du projet et aussi une originalité permettant de mettre à la portée d’utilisateurs non programmeurs un système d’écriture puissant.

Le problème posé par le projet consistait à faire évoluer le modèle linéaire du logiciel i-score vers un modèle comportant des boucles et embranchements, à la fois de façon cohérente sur le plan théorique, et satisfaisant les exigences des utilisateurs. La difficulté majeure de ce travail était due au fait qu’il n’existait pas d’exemples de cas pouvant être étudiés par les scientifiques.

La recherche s’est déroulée en parallèle et en interaction entre une étude formelle, faisant évoluer les modèles scientifiques, et une étude plus pratique sur des questions d’ergonomie, afin de permettre une gestion du temps et de la logique dans une même interface graphique permettant de créer de scénarios complexes tout en restant simple, claire, accessible et basée sur un petit nombre d’éléments de syntaxe.

Cette double étude s’est complètement construite sur les échanges entre les imaginaires des utilisateurs, des scientifiques et des ingénieurs, notamment à travers des séminaires réguliers (tous les trimestres) rassemblant ces différents acteurs et permettant des dialogues développés dans la durée (2 à 3 jours par séminaire).

L’objectif initial du projet était de fournir des outils, à la fois pour les utilisateurs finaux, et pour les développeurs de ces outils – sachant que les frontières entre ces deux catégories sont la plupart du temps mouvantes, et que les niveaux de compétence en programmation des utilisateurs/développeurs se distribuent de façon très variées suivant les domaines d’application et les divisions des métiers dans ces domaines.

La problématique du projet se base ainsi sur une démarche “générique”, visant ainsi à produire autant que possible des briques logicielles combinables en fonction des contextes et besoins spécifiques qu’ils génèrent. Nous avons essayé d’optimiser cette généricité en nous basant sur une claire séparation du moteur et de l’interface des implémentations prototypales proposées.

De plus, en contraste à la plupart des logiciels de scénarisation multimedia existants, la démarche ici proposée se veut “agnostique” vis-à-vis des contenus en proposant, plutôt que la manipulation des media créatifs eux-mêmes, l’abstraction de leurs paramètres de contrôle, et la manipulation directe, et sans distinction d’origine, de ces paramètres abstraits dans une même interface focalisée sur l’écriture temporelle et logique. Cette abstraction des paramètres implique de manière collatérale le besoin de moyens de gérer l’interopérabilité entre le séquenceur proposé et les environnements media contrôlés. Si de nombreux protocoles de communications existent pour l’envoi de paramètres (et en premier lieu le protocole OSC, désormais largement adopté), il n’existe pas encore de protocoles de requêtes permettant une réelle interopérabilité et une aisance de manipulation – c’est pourquoi nous avons continué de nous baser sur le protocole Minuit, développé au sein du projet Virage et avons participé à l’élaboration des spécifications de l’initiative OSC-query qui a émergé durant le projet.

Le coeur du projet répond à un manque de solutions d’écritures génériques dans l’état de l’art des logiciels créatifs pour la scénarisation interactive. En effet, outre leurs intrication forte avec les medias utilisés, les logiciels de scénarisation existants se basent sur l’un ou l’autre des modèles de la cue-list et de la time-line :

  • Le modèle cue-list permet de déclencher interactivement des blocs de temps statiques et pré-déterminés, avec une grande souplesse dans l’agencement temporel et logique, mais sans la possibilité d’anticiper une cohérence globale du scénario – les différentes cues sont des éléments séparés et indépendants.
  • Le modèle time-line permet de construire avec beaucoup de précision la cohérence globale et les agencements entre divers éléments de scénarisation, mais celle-ci reste statique dans son ensemble, sans aucune possibilité d’interaction avec un temps externe à celui qui meut l’avancée linéaire de la time-line.

De plus, le projet OSSIA cherche spécifiquement à répondre à une autre dichotomie qui se surajoute à celle-ci, entre les modèles de scénarisation logiques et temporels, qui ne se mêlent généralement pas dans les logiciels de scénarisation existants :

  • La scénarisation temporelle est généralement linéaire (sur le modèle du spectacle, qui ne joue qu’une fois, toujours dans le même ordonnancement)
  • La scénarisation logique (sur le modèle du jeu vidéo) peine à organiser des fragments de déroulement temporels linéaires.